Comme un oncle du dedans
Comme un oncle d’Amérique
j'entendais parler d’Alain
Alain par-ci
Alain par-là
par papa et par maman
par s’être mère et père
et je suis heureux car grâce à une boîte à chaussures j'ai pu enfin vivre
mon oncle Alain
papa est mort en 2002
et voilà que je découvre
dans son atelier
une boîte à chaussures avec dedans
une multitude de lettres de ma mère adressées à lui
lui mon père, ce père sonnants et trébuchants...
c'est touchant des lettres d'amour d'une maman
et sous ces lettres, dans la boîte à chaussures
surprises
je découvre une multitude de lettres d’Alain à papa...
et je lis ces lettres
et je découvre
je découvre 60 ans d'amitié
car le moteur de tout
la plus grande puissance de l'univers ce n'est pas la gravité mais l'amitié
cette amitié que dresse, qui tresse
cette amitié qui optimise
qui met en abîme qui autorise
alors je contacte Alain
et je lui donne les lettres
et alors, et voilà que cette puissance de l'amitié
nous lie
lui et moi
soudain Alain et Ramuntcho ne font qu'un
Alain est un adjectif
Alain est un verbe
Alain est une verve
Alain est un conseil
Alain est trampoline
il fait rebondir en intérieur
car le seul salut est dans l'étendue de l’intériorité
aucune solution ne saurait être par la fermeture des frontières
au contraire
il est bon de s’ouvrir
de s'ovaires
oui c'est l'enfer
c'est par cela qu'il faut s'en faire
faire, produire, huitres, êtres
produire autant d'hêtres que possible
Alain est celui à qui on s'adresse
Alain est celui qui répond aux courriers avec un formidable rebondissement
car c'est de son ressort que l'on s'écho, que l'on s'éclot
écrire des lettres c'est résister au fascisme de l'urgence
de ce temps qu'on nous retire à force d'écrans
pleurer ça n'est toi
ça fait naitre
c'est pourquoi on dit « jésus crie »
il ne faut pas chercher
il faut s'archer
tirer des flèches
je suis allé sur la coline
et je n'ai rien trouvé
et puis l'eau
l'eau là
tout coule de source
la source du là c'est ici
car ici hisse et glisse
l'eau là
c'est pour cela qu'Alain nous amis là
il a tiré sa révérence
avec une grande élégance
et comment ce soir
prendre ma guitare
par le manche
quand elle me suce
elle ronronne
« je suis à peine parti
et vous me manquez déjà »
l'amitié est le phare de la vie
ce qui éclaire et qui illumine
ne pas être d'accord est la plus belle des choses
on a pas à l’être avec l’océan
ni avec le requin phosphorescent
la critique se doit d'être proposition
il faut s'avoir pour pouvoir intercepter la connerie avant qu'elle éteigne sa cible
L'ami Alain
l'ami tout plein
vers l'extra
l'extra ordinaire
il est allé le rejoindre
ça c'est dur
le dur réalisme
car enfin le sur-réalisme
c'est bien cela
être au-dessus du ça
ce « ça » que l'on nomme « réalité »
cet objet si souvent déraciné
et où se raciner sinon par le nourrir
et on se nourrit du regard
puis de l'oreille
et du nez
et enfin de la bouche
et surtout surtout
de l'intestin
de l'in destin
car on se nourrit de ce que l'on digère
r/évolution du regard
le grand vers l'ondre de soi
entre le rêve et l’errance
la porte est ouverte
de l'un à l'autre il y a le je
c'est la fin d'un air
d'un air qu'il est bon de respirer et de fredonner
un air d’exigence et d'intelligence
l'air d’Alain était bon à vivre
avec ces plaines et ses colères
ses forêts et ses océans.
C'est qu'il faut.
Il faut lutter contre l'ère de l’indifférence.
Soyons passions
froissements et déchirements.
Jusqu'au bout.
La meilleure façon de ne pas se laisser submerger par les cendres du passé c'est de se fausser compagnie par les flammes du présent
porté par les odeurs
ponté par les saveurs de l'œil et de l'oreille.
Le risque est la porte de la chance.
Entre les vestiges du passé et le vertige du futur
il y a la jubilation du présent.
Par l'exigence et la difficulté se révèle le plaisir et le flux
le là de la poésie est le seul accord possible.
Il n'y a plus de neige sur les sommets
est-ce parce qu’il n'y a plus de sommets ?
Le sommet est profondeurs
Il s'agit de flambeaux
non de lambeaux
de flammes
de saines colères
vous n'aurez pas d'explication
vous aurez l'expérience
à qui transmettre ?
Et quoi translettre ?
Ce qu'on sait ou ce qu'on est ?
Comme a écrit Oscar
ce qui est bon dans la vie
soit est immoral
soit est interdit
soit fait grossir
mais est-ce parce que c'est bon qu'il faut le faire ?
et le refaire
encore et encore et encore
défaire les lacets du corps sage de la vie
car pour aller à Raymond Roussel
l’âme est riche
d’ailleurs il préférait le mot « esprit »
Ramuntcho MATTA, décembre 2015.